4 déc. 2008

Article de Guy Sitbon. Journaliste à MARIANNE

On les appelle à Tunis « Les Enfants de Lénine », en arabe « Ouled Lénine » et Nadia el Fani en a fait le titre de son film qu’on peut voir, si le convoi passe par votre village, dans la Caravane euro-arabe du Documentaire projetée à l’Institut du Monde Arabe. A travers un portrait de son père Béchir, historien et figure immuable du révolutionnaire maghrébin, El Fani a redonné vie à un continent englouti : l’ex-communisme dans l’ex-Tunisie de l’ex-amitié des peuples et des ex-lendemains qui chantent où on ne s’intéressait qu’à la couleur de vos idées jamais à la couleur de votre peau, au nom de vos auteurs préférés jamais aux noms de vos parents nourriciers. Dans un sourire illuminé, le film pleure le temps où gens du sud et gens du nord s’aimeront, où la seule dictature sera celle de la liberté, où dans un mariage de tous avec tous, Arabes, Juifs, Européens se fondront en une seule famille des allumés de la justice.
Les survivants de ces jours bénis, Nadia el Fani est allée les pêcher sur les pentes lapis-lazuli de Sidi bou Saïd, dans les ruelles de la kasbah de Sousse, entre djellabas opalescentes et terrasses ensoleillées. Ils racontent l’épopée de leur guerre contre les dieux et les démons du mal, combien ils ont cru et comment ils ont perdu. En ce temps là, l’islam était absent de l’horizon du monde arabe, socialisme et abolition des nations allaient mêler orient et occident en une seule modernité sous la bannière de Marx et Lénine. Loin du choc des civilisations et des guerres de religions, une lutte des classes acharnée jusqu’au triomphe de la fraternité. Il n’était pas beau ce rêve ? Nadia el Fani lui a construit un lieu de mémoire.

Guy SITBON
(Journaliste-Marianne)

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